Changement de paradigme dans le marché de l'Or

Depuis une décennie, la réponse à la question de ce qui détermine le prix de l'or était simple : le coût de l'argent. Plus les taux étaient bas, plus l'or grimpait, et vice versa. L'or, considéré comme l'"anti-dollar", était la valeur refuge pour ceux qui se méfient des monnaies fiduciaires, surtout dans un monde de faibles taux d'intérêt réels et de dollars bon marché.

Cependant, cette relation semble s'être désynchronisée. Malgré une hausse des taux réels ajustés à l'inflation cette année, atteignant leur plus haut niveau depuis la crise financière, l'or n'a guère réagi. Les rendements réels, mesurés par les titres protégés contre l'inflation du Trésor américain à 10 ans, ont atteint leur plus haut niveau depuis 2009, tandis que l'or spot a légèrement baissé le même jour.

Ce détachement entre l'or et les taux d'intérêt réels pourrait signaler un changement de paradigme pour le métal précieux. Les investisseurs peinent à évaluer sa "valeur équitable" dans un monde où les anciennes équations ne semblent plus s'appliquer. La question se pose de savoir si l'ancienne dynamique pourrait se réaffirmer, ou si elle l'a déjà fait, mais sur de nouvelles bases.

Les facteurs de soutien des prix

Qu'est-ce qui maintient alors les prix ? Les analystes évoquent une combinaison d'achats massifs par les banques centrales, notamment la Chine, et des investisseurs pariant sur un ralentissement économique aux États-Unis, favorable à l'or, même lorsque la logique habituelle suggérerait de vendre.

Malgré les prévisions, certains fonds d'investissement maintiennent une part significative de leurs actifs en or, témoignant de la résilience du métal précieux. "Je suis surpris de la résilience de l'or", déclare Anthony Saglimbene, stratège en chef du marché chez Ameriprise Financial Inc.

Perspectives et risques

Il y a des signes que la demande souveraine commence à ralentir, rendant l'or plus vulnérable aux baisses. L'avenir dépendra de la décision des investisseurs institutionnels de vendre si les prix atteignent de nouveaux bas.

Certains analystes, comme Marcus Garvey de Macquarie, prévoient une hausse des prix de l'or à 2 100 dollars l'once l'année prochaine en raison du ralentissement économique américain. D'autres sont plus sceptiques, surtout avec l'offre de rendements significatifs par les obligations pour la première fois en années et l'or apparaissant relativement cher.

Dans le contexte actuel, l'or n'est pas un actif de diversification très convaincant, selon Marco Piersimoni, co-gérant du fonds Pictet Multi Asset Global Opportunities. Néanmoins, la résilience de l'or et les changements dans les dynamiques du marché suggèrent que le métal précieux pourrait encore réserver des surprises.